Comme les graines de pluie, les enfants nous tombent du ciel.
Leur croissance et le fruit qu’ils deviendront dépendent de la terre « famille ».
Daniel Keene nous livre un tête à tête, dans un parloir de prison, entre une sœur et son frère à une heure de son exécution. Ballottés dans un chaos familial qui leur échappe, ils se remémorent leur passé. Auront-ils le temps de dire le silence qui les unit par delà la mort ?
Et ils sont entourés d’absents : la mère, tapie dans l’ombre, témoin éternel de leur amour et de la relation trouble avec un père qui n’est plus qu’une flaque depuis la mort de celle-ci. La présence… tic tac tic tac tic tac… d’un maton imprévisible, Maître du temps et de cette cérémonie d’adieu à laquelle il peut, à tout moment, mettre fin.
Je cherche à faire exister sur scène, par le jeu et la musique, ces personnages absents, qui habitent les couloirs de la mémoire de Martin et Sally, présents comme les fantômes des théâtres condamnés à l’errance en cherchant une porte de sortie.
Je veux monter ce texte pour interroger la famille, les relations entre les enfants, entre les parents et leurs enfants. Le rôle que l’on joue malgré soi, tout au long de sa vie, au sein de ce microcosme. La famille est pour moi l’endroit où les chenilles se transforment en papillons avant de s’envoler, et aussi notre piste d’atterrissage où on vient chercher du réconfort quand on a l’impression que le monde nous tourne le dos. La famille est une question d’urgence permanente.
Que se passe-t-il quand la famille n’est pas cet endroit de réconfort ? Quand les chenilles restent chenilles ? Quand la graine ne donne pas le fruit attendu ? A quoi tout cela tient ? Autant de questions qui traduisent notre impuissance et cristallisent nos peurs, parce que, le toit des maisons couvre les secrets de nos familles.
On touche aussi à l’universel.
Toutes les thématiques traitées par l’auteur à travers l’histoire de deux enfants devenus adultes sont les mêmes qui traversent nos vies de près ou de loin, que l’on soit ici ou ailleurs et qui constituent pour moi, les fondements même de tous les rapports humains dans toute leur complexité existentielle et universelle. Le théâtre renoue ici avec cette humanité qui touche à la vérité de notre destin, à tous, nous, les mortels.